Archives de catégorie : Sur l’écriture

Le titre de ce blog

Bon. Article un peu particulier. En fait je voulais préciser pourquoi j’avais choisi le titre « Alors comment ça va ? ». D’abord, il faut rendre hommage au médecin Baptiste Beaulieu (qui est toujours vivant hein), qui en plus d’être un pur beau gosse (c’est très gênant les médecins beaux gosses, on n’a pas du tout envie d’être malade devant eux), semble être un Médecin avec un grand M, et trouve encore le temps de nous faire partager son quotidien sur son blog à succès maintenant : www.alorsvoila.com. Oui alors voilà je suis fan. Du coup je voulais un nom un peu en miroir, pour, comme lui, vous raconter des petites histoires, mais de l’autre point de vue, celui du patient.

C’est marrant parce que justement en ce moment, alors que je lance mon blog, il a des petits tracas et il les raconte, je me suis dit que c’était un coup du hasard et qu’il fallait vraiment s’y mettre, avant qu’il devienne le patient drôle que je rêve d’être. D’ailleurs vous remarquerez qu’il parle de « soignants/soignés ». J’ai un doute sur « soigné ». Ça m’évoque la guérison, et souvent un malade, ça ne guérit pas. Bon mais à nouveau l’effet miroir rend pas mal, stylistiquement parlant.

Sinon, est-ce que vous avez déjà fait attention à ce que vous dit un médecin juste après le moment où vous vous retrouvez assis, face à lui, dans l’antre de son cabinet ? En général par politesse c’est lui qui commence à parler, puisqu’il est chez lui. Pas facile pour lui en fait. « Bonjour » ce serait bizarre. « Alors c’est quoi le problème ? » un brin agressif. « Alors ça va ? » pas adapté, forcément si on vient c’est que ça va pas. Je me souviens d’un, on s’asseyait tous les deux, lui sur sa grande chaise confortable « de médecin » comme on dit souvent, moi sur la chaise normale. Il posait ses mains sur son clavier délicatement comme un pianiste. Et là, regard franc, noir, pénétrant, visage lisse de toute expression, silence total, prolongé, puis bim, mouvement de tête sec de haut en bas. Les premières fois j’ai pas compris. Du coup quand je ne répondais rien il recommençait le mouvement. En fait c’était pour que je parle.

Donc au fil du temps j’ai remarqué que ma phrase de début de consultation préférée, et qui était surement plus pratique pour tout le monde, c’était « Alors comment ça va ? ». Et moi en général je commence par répondre : « Bon ».

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Un médecin malade ?

 

Bon. Pour le premier article de ce blog, j’ai de la matière.

J’ai eu aujourd’hui une de mes plus belles consultations avec un médecin. Belle au sens de la vraie « beauté », gratuite généreuse universelle unanime évidente. On a commencé de manière classique « Alors comment ça va ? » on a discuté des traitements, prévu quelques modifications. Et là elle -la médecin- me demande : « Vous faites quoi dans la vie Manon ? » Moi : « Je suis chercheur, au CNRS, en chimie, mais encore en CDD, parce qu’au début on fonctionne beaucoup en CDD, et là actuellement je suis au chômage, entre deux contrats ». Elle : « Vous aimez ce que vous faites ? ». Moi : silence interloqué. Avant j’aimais, maintenant je ne sais plus, la pression de chercher pour trouver, la précarité des CDD, la lenteur des applications à nos recherches, les querelles d’égos entre chercheurs…je ne sais plus si j’aime. Voilà ce qu’il y a eu derrière mon silence. Elle : « De toute évidence vous devriez être médecin. » Et bim.

Elle a tapé dans le mille. En plein dans ce désir qui me tiraille depuis quelques années maintenant, depuis que je suis malade, depuis que je vois comme ça peut être beau d’être médecin, depuis que je vois comme un corps humain c’est un bordel immense à gérer, surtout quand ça déconne, mais à quels beaux défis le médecin est confronté, et quelle gloire quand quelque chose marche et que la vie du patient est améliorée ou qu’il est guéri ! Voilà, je suis une patiente, avec une maladie chronique qui ne guérira jamais, et j’ai envie de vous écrire avec cette matière. Avant je disais que je n’aimais pas les médecins ni la maladie. Maintenant la maladie par sa perfidie me fascine, le médecin par son courage me rend envieuse. Et je veux vous raconter !

PS : Sur la photo, un copain que j’ai connu en hypokhâgne (donc oui oui en lettres) et qui a fait la passerelle après être entré à l’ENS Ulm pour devenir médecin. Il est maintenant interne en psychiatrie. Il sera un beau médecin ! Je lui ai coupé la tête pour faire plus poétique.

PPS : Pour des lectures sur le médecin malade, un rapport de l’Ordre de Médecins (2008) et la thèse de Sandra Bonneaudeau : Le médecin/malade : un patient comme les autres ? (2011)

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