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Aider l’aidant : Taisez-vous Madame ! 

Petite femme fragile que je suis. Sexe inférieur, chose malade, bien habituée à la chose. Mon aidant en difficulté de santé en ce moment, ni une ni deux j’use de mon talent de téléphonage aux hôpitaux injoignables, de brossages de poils d’agent d’accueil (parfois géniaux) pour avoir des rdv plus tôt, et bingo j’obtiens un rdv pour le lendemain.

2 jours que je suis au lit, malade++ comme on dit. Mais l’aidant souffre aussi. Alors faut aider, après tout, pourquoi y aurait-il forcément un aidant mâle fort infaillible, et une malade femelle fragile maigrichonne palotte incapable ? Je m’extirpe du lit, j’avale 40 mg de cortancyl de bon matin, histoire de foutre sa claque à l’inflammation pour aider l’aidant si méritant depuis longtemps, et je me traîne avec lui jusqu’à l’hôpital. 

« Mon épouse peut-elle venir avec moi en consultation ? » demande-t-il.

On demande toujours, c’est poli.

Gêne du Doctor : « euh oui euh je sais pas euh comme vous voulez euh ».

Bon y a deux chaises en face de son Grand Bureau, ça semblait prévu pour 2. Tout va bien. 

L’interrogatoire commence. L’aidant n’a pas l’habitude du Doctor, contrairement à moi (faut bien être malade et expert en quelque chose), il se sent en garde à vue, il bafouille il oublie il bégaye : je l’aide. C’est ça être aidant non ? Pour aider ?

Rarement, lui, vient en consultation avec moi, car je veux épargner sa charge mentale. Mais parfois, si je suis très mal, si un médecin est très gentil depuis longtemps, ou très méchant depuis longtemps, mon aidant vient. Si je suis très mal, il retient ce que j’oublie, parle pour moi. Si c’est un médecin très gentil, on rigole un peu c’est stylé. Si c’est un médecin très méchant, mon aidant grand mâle musclé homme blanc chef de maison me protège du Docteur Patriarche malfaisant malaisant. Bref c’est tout bénéf, un aidant. 

Puis rentre le Supérior du Doctor 1. Doctor 1 l’a briefé, il a surement aussi placé que MADAME prenait un peu trop de place dans la sacro-sainte consultation.

On salue tous deux très poliment Doctor Supérior. Il fait peur il reste debout il s’assoit pas, on sent que faut terminer ça rapidos. Il s’excuse du retard il a l’air sympa quand même. Il recommence l’interrogatoire à mon aidant malportant. Sous l’effet du stress, ça bafouille, ça se trompe, ça dit des choses fausses.

Alors je me dis : Mais tiens, je suis là moi, pour aider n’est-ce pas ? On m’a laissé entrer, m’assoir, dire bonjour tout ça. Alors j’ose parler pour aider. Mais sans lever la main comme à l’école. On est entre adultes à l’hôpital normal.

Et Doctor Supérior d’asséner d’emblée : « Taisez-vous Madame, laissez parler Monsieur. »

Et voilà Monsieur encore plus décontenancé, de continuer à bégayer, à hésiter, à se tromper. Mais la dinde de la farce est venue pour agrémenter le paysage, elle doit fermer sa grande gueule. Elle a pris le rendez-vous, elle s’est déplacée, mais de quoi se mêle-t-elle en plus ?

Remerciée de ma présence d’un tel affront, je suis partie la tête basse, sans remercier ces garants d’une société où la femme doit sans faille rester à sa place. C’est-à-dire le cul posé sur la chaise d’à-côté, la gueule bien fermée, la tête baissée, en pensant simplement, au prochain dîner.  

Une dinde peut-être ?

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Surtout, être moche

Aujourd’hui, je vais à l’hôpital pour la Grosse Maladie. Je suis KO KO KO, infectée depuis plus de 2 mois par une E. Coli qui dégage pas, malgré les antibios qui se suivent sans se ressembler, les plantes à tout va conseillées par le pharmacien, quitte à se transformer en arbre. Y a toujours ce truc en naturopathie d’en prendre des tonnes.

Bref, mon aidant m’emmène, Dieu le loue. Y a pas de taxis conventionnés, les médecins n’en prescrivent pas parce que l’Assurance Maladie (sur)veille. Mon aidant est encore au chômage, il trouve pas de taf mais en même temps il m’aide tellement parce que j’ai tellement besoin d’aide que ça nous arrange bien. En France l’Allocation de Retour à l’Emploi ça finance autant les fins de thèse de Doctorat que les aidants à plein temps (à la base c’est à la MDPH de faire ça, mais bon…..la France et la paperasse…au moins le Chômage, ça tombe efficace. On prie pour que la maladie se calme quand y aura plus le Chômage. On vit au jour le jour parce que peut-être bientôt on sera mort anyways. Un jour on reparlera de tout ça).

Mais bref, aujourd’hui donc je vais au Gros Hôpital. Du coup, une fois n’est pas coutume, faut s’habiller, si j’y vais en pyjama as usual as casual, on risque de croire que je me suis évadée de quelque part. 

Cet été, tout l’été, j’ai porté la même robe rose. Je ne travaille pas, j’ai plein d’amis mais je les vois pas souvent, je sors peu, du coup la robe rose, elle est rentabilisée, tout l’été. 

Donc pour l’hôpital, robe rose ? Oh diantre non ! La robe rose, un signe de beauté, de bonheur, de santé, d’insouciance, de plaisir ! Un malade n’est pas vraiment malade s’il est en rose. C’est tout à fait incompatible. Ainsi mon amie Louise m’avait-elle appris que dans ses cours de médecine on lui avait appris à reconnaître un patient qui est malade : il pue, il a les ongles sales, il est décoiffé, ses vêtements sont pourris. Ah oui lui, il est très malade, il a besoin de soins et d’attention. 

Je range donc ma robe rose dans le placard pour la première fois de l’été. Je coupe mes ongles à l’envers, je les gratte dans la terre. Je m’en mets un peu sur le visage, pour la forme. Ça colle un peu avec la crème de jour, c’est parfait. Je sors ma tenue noir de deuil, j’arrive plus à la fermer tellement j’ai grossi mais braguette ouverte c’est encore mieux. Ainsi, tout le monde verra que je suis bien malade, que je mérite mes grosses morphines et mes arrêts maladie, et ainsi on s’attèlera à essayer de guérir mes infections qui me mettent visiblement pour de vrai très à plat. 

PS : not all Doctors, ouf !

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Compte rendu de consultation de Madame Dubouchon

Mon Cher Confrère,

Je revois avec énorme plaisir en consultation de suivi Madame Dubouchon que j’ai prise en charge récemment.

Madame Dubouchon continue de se plaindre beaucoup mais il faut reconnaître que je l’ai déjà vue dans des états pires que ça. En outre, si je compare la situation de Madame Dubouchon avec la situation de mes autres patients, franchement nous pouvons nous réjouir. Comme vous le savez, très souvent les patients se plaignent en permanence et n’ont pas le recul suffisant pour s’apercevoir qu’il y a des améliorations dans leur situation. C’est pourquoi il est essentiel que, nous médecins, rédigions des comptes rendus enjolivés, dans le but d’aider les patients sur le regard qu’ils portent sur leur situation.

Madame Dubouchon me rapporte qu’elle a toujours trop de symptômes pour assumer une activité professionnelle. De même, elle montre une réticence certaine à mettre en route son quatrième enfant. Elle n’a toujours pas de pavillon en banlieue ni de chien, alors même que ses enfants en réclament un depuis maintenant 3 ans et 2 mois.

Je mets donc en évidence chez Madame Dubouchon un large manque de confiance en elle, qui assurément peut se corriger en écrivant sur les comptes rendus qu’elle va très bien, quoi quelle en dise. Je vous invite à user de la même méthodologie pour vos comptes rendus des consultations que vous avez avec elle. J’utilise cette méthode depuis mon installation avec tous mes patients, et les résultats sont à 100% efficaces.

Pour finir, je suis vraiment ravi que Madame Dubouchon aille très bien. Je m’en satisfais d’autant plus que je joue un grand rôle dans son amélioration.

Je reconduis donc son traitement pour 3 mois :
prednisolone,
kezvara,
xelzanj,
methotrexate,
ciclosporine,
imurel,
actiskenan,
lanvis,
valium,
noctamide,
rivotril,
lyrica,
levonogestrel,
pantoprazole,
diffu K,
prozac,
tysabri
levodopa
levothyrox
thalidomide.

Je m’assure qu’elle continue de consulter ses trouze autres spécialistes tous les 3 mois. Elle doit également faire des points réguliers avec son médecin généraliste traitant. Je lui prescris également un fauteuil roulant dernier cri pour qu’elle puisse alterner avec ses béquilles.

Prochaine consultation dans 3 mois, à disposition dans l’intervalle.

Très bien confraternellement,

Docteur Charlot Ptimiste

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Mon syndrome de Stockholm

Bon. J’étais à l’hôpital pour la énième fois. Je commençais à ne plus trop aller à l’hôpital ces temps-ci, je ne faisais plus mes bilans les imageries, je boudais les « je vous envoie vers ce Cher Confrère » et patati, et patata. Ça n’était pas efficace. Je m’enfermais dans une bulle de symptômes inacceptables pour d’aucuns, familiers pour moi. Presque agréables et rassurants. Ainsi, il m’arrivait régulièrement de constater : « Tiens, je n’ai pas mal au… nez aujourd’hui ». Toutes les déclinaisons sont possibles. La maladie était devenue ma normalité.

Et puis il y a eu cette consultation avec ce Docteur.

On m’avait dit : « Si si, va voir, il y a ce nouveau Cher Docteur, très grand très compétent très fort très sympathique, il va changer ta vie. »

Il avait bien révisé avant de me voir. Je me suis dit quel fayot. Il m’a demandé depuis combien de temps je vivais dans ma bulle de malade. C’était pénible de se souvenir. Je l’ai trouvé moche. Tout ce que j’avais vécu, il l’évoquait, et toute ma souffrance passée énoncée venait cristalliser sur cet être qui bousculait impudent mon confort de malade. Il était mon geôlier. Je l’ai détesté.
Il m’a dit que tout irait beaucoup mieux même si ce serait dans un peu longtemps. Je l’ai trouvé bête. Cela fait longtemps que je ne crois plus au Père Noël.
Et puis…il a parlé longuement de nouveaux médicaments. J’ai eu une hallucination. Je n’écoutais plus. Il secouait un trousseau de clefs au-dessus de ma tête. Et je finissais par les attraper toutes, une à une.

De mon geôlier il devenait mon sauveur.
Je l’ai trouvé beau. Je l’ai trouvé très très beau.
Je suis tombée amoureuse du Docteur.

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La « Perle Rare »

Bon. On n’est jamais très content de se lever un matin pour aller à l’hôpital. On n’est même jamais content pendant des jours avant. Même si on peut avoir l’esprit très occupé par le travail par exemple, ou mille autres choses, la perspective de l’hôpital ça ronge de l’intérieur tout discrètement, en l’occurrence moi, ça me coupe le sommeil des nuits entières, rien, niet, nada. Yeux ouverts pas dodo. Malgré benzo sur antihistaminique sur neuroleptique sur plantes sur méditation sur caresse-lapin sur flûte de pan des Andes. Les conséquences ne sont pas du tout discrètes, je finis par me transformer en zombie de Tasmanie, celui qui soulève ses cernes avec ses mains à chaque pas.

Et puis là, arrive le jour de la consultation de bilan avec la médecin exceptionnelle. Celle qui soigne que des sales gros méchants trucs, qui prescrit telle « une kamikaze » comme elle dit. Mais de chez qui vous ressortez toujours systématiquement avec optimisme et sourire 🙂

Quand vous traînez sur les forums Facebook de gens malades, parfois il faut s’enfuir très vite, mais parfois vous avez un accès extrêmement privilégié à une cohorte de malades mine d’or d’informations – si, bien traitées. Bon ben sur les groupes, on lit souvent : « Bonjour, je cherche un médecin, du genre Perle Rare exceptionnelle ». Ça me fait toujours sourire ce truc qui est selon moi en théorie en pléonasme. Normalement un Doc, parce que c’est un Doc c’est forcément une Perle Rare exceptionnelle. C’est quand même pas le dernier des connards qui s’est dit « tiens si je faisais un métier de gentil où j’aiderais les gens et même je les soignerais et même parfois je leur sauverais la vie » . Mais il y a des réalités qui font que…(à tout hasard comme ça je vous envoie vers les écrits de la Perle Rare « l’externe du CHU » pour étayer cette question).

Bref, aujourd’hui c’est jour d’hôpital. Mais aujourd’hui c’est aussi jour de Perle. Il est 8h j’ai bien dormi. La journée commence bien. Une partie sera belle.

 

 

PS : cet article a été tweeté comme #BilletDeBlogDeLaSemaine du Département de Médecine Générale de l’Université Paris Descartes.

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Quand le Docteur prend peur

Bon. Plein de sentiments en ce moment, alors plein de choses à dire, plein de réflexions, pleins de gentilles et de méchantes pensées. Je brouillonne, je peaufine, je relis, ça ne me plaît pas, je stocke, et je ressasse, je me dis que c’est nul, que c’est pas possible.

C’est jamais trop facile de savoir comment écrire. Long ou court, brut ou réfléchi, élagué ou détaillé. J’avais commencé ce blog par des tous petits articles.

En voici un.

J’avais enfin rendez-vous avec la Grande Spécialiste de la Casse. Une Docteure très respectée, mais qui m’avait par deux fois semblée peu respectable. Mais c’était seulement deux fois, et un Cher Confrère plus gentil mais inférieur m’avait conseillé « Laisse-toi encore du temps avec elle. »

Alors moi, ce Grand Jour de Consultation, toute affolée par ma casse, toute stressée par ma douleur, je voulais vraiment être sauvée par la Grande Docteure.

On avait à peine commencé à parler, que ses paroles ont coupé mon récit :
« Oh là là mais c’est pas bien ce que vous faites, faut arrêter de courir partout, sinon ça va pas guérir »

Je me demande si elle confondait « parler » avec « courir ». Je ne courais pas en fait. Je parlais.

Alors moi au Docteur : « Malheureusement Chère Grande Docteur, dans mon état on ne court pas partout, on fait déjà le strict minimum. On va à la pharmacie, au kiné, à l’hôpital grand maximum ».

Le Docteur : « Ah ben faut arrêter tout ça, faut arrêter de courir partout. Faut rester chez vous et attendre. »

On ne devait pas parler le même langage. J’avais « couru » chez la Grande Docteur justement pour qu’elle me soigne. Et j’attendais beaucoup, depuis longtemps.

Et la Grande Docteure de continuer ses fantasmes : « Et même chez vous, il faut arrêter de courir partout ».

Hum ? Préparer un marathon dans 30 m2 tous mouillés avec un corps tout cassé ? Ou profiter de l’arrêt maladie pour faire briller la maison du sol au plafond pour un mari reconquis ?
Mais d’où cette Grande Docteure tenait donc elle sa Grande Réputation ?

Et puis ensuite, elle a annoncé d’un ton solennel : « Dans votre cas, pour bien guérir, il faudrait un fauteuil. »

Je vous avais promis qu’on ne réfléchirait pas dans ce court billet. Mais quand même. Là, il s’est passé un truc super étrange. Il se trouve que je connais un peu les fauteuils. J’avais été bénévole dans une association magique où on faisait des activités avec plein de fauteuils, des petits des grands des électriques des manuels des ajustés des matelassés des grandes roues des petites roues des rouges des bleus des … » Le mot FAUTEUIL ne me fait pas peur.
S’il fallait un fauteuil pour guérir, ben c’était comme ça ; j’y voyais même un petit chemin vers la retrouvaille de la liberté.

La Grande Docteure s’est montrée toute embarrassée par mon absence d’embarras. Elle a enchaîné :
« Ah mais non je ne vais pas prescrire un fauteuil c’est déprimant » (ah bon ?)
« Votre logement ne doit pas être adapté » (ben si)
« Il va falloir l’acheter ça coûte cher » (ça c’est mon problème ?)
« Ce sera forcément un non électrique » (pas sûr, et quand bien même ?)
« C’est moche un fauteuil » (c’est beau des plâtres ?)
« Non non, je ne prescris pas de fauteuil, mais par contre vous ne bougez plus » (je sais plus quoi dire là…)

J’ai rien compris à cette consultation. Plus elle débitait son anti-fauteuillisme, plus je m’étonnais, moins je parlais.

Le fauteuil était-il une menace pour me faire peur ? Mais peur de quoi ? La dame avait-elle vraiment peur des fauteuils ? Un Docteur peut-il avoir peur des fauteuils ? Comme un tout-venant aurait peur du sang ?

J’ai repensé à mes supers amis en fauteuils. Par exemple ma copine Pauline.
Évidemment je suis contente d’avoir des jambes qui re-fonctionneront un jour, a priori.
Mais comme c’est décevant de constater encore, qu’autour des fauteuils gravitent toujours, des a priori pourris.

 

 

PS : la petit histoire dit que la Grande Docteure ne s’est pas préoccupée de savoir comment la patiente allait se déplacer de la chaise de la consultation à la chaise de son salon. Pourtant on a bien lu que la Grande Docteure avait ordonné *de ne pas bouger*.

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Évidemment, vous êtes suivie à l’hôpital ?

Bon. Voilà voilà voilà, aujourd’hui petit billet récap’. Lundi matin, il est 11h30, je ne suis pas trop malade, je me suis levée de bonne heure. A 9h30. La semaine commence. Actuellement je suis blessée aux deux pieds, je suis donc majoritairement alternativement sur le lit, sur le canapé, sur la chaise. De ces trois lieux il est aisé de téléphoner, d’écrire quelques mails, de faire un peu de blog, de mettre à jour la paperasse administrative.

Allez, courage à deux mains, ce matin j’attaque la paperasse ! C’est chiant la paperasse. Mais d’un autre côté j’aime bien, parce que quand on a fini la paperasse du moment, on est toujours super content. Fier d’avoir accompli un gros truc chiant. Un peu comme un problème momentanément résolu, une maladie momentanément guérie.

Pour la paperasse, j’ai pas mal de pain sur la planche en ce moment. Je me suis fait voler mon portefeuille alors j’ai accumulé les feuilles de soin. On m’a dit de prendre des rendez-vous avec des Chers Confrères et puis j’ai jamais trop réussi. Bon allez, ce lundi matin c’est décidé, j’attaque la prise de rendez-vous. Je dois appeler 3 services, les 3 sont à L’Hôpital Public.

Service numéro 1. C’est pour faire des analyses génétiques parce que les docteurs de la douleur pensent depuis genre 5 ans que j’ai une maladie génétique. Moi j’ai un peu la flemme d’avoir une maladie génétique, je préfère que le docteur de la douleur me fasse mes petites ordos de morphine et que je rentre tranquilou bilou bloguer sur mon canapé et basta (accent corse). Bon mais voilà, on me demande régulièrement « Madame Manon, ça y est, vous les avez faites les analyses génétiques ? » alors je m’y remets. J’avais envoyé un mail le 6 novembre 2018, parce qu’au téléphone le 12 juillet 2018, la secrétaire m’avait dit d’envoyer un mail pour demander un rendez-vous. Un mail avec entre autres la demande émanant « du médecin spécialiste de ville ». Le 15 février 2019, nouvelle année nouvelles résolutions je me dis « azi y a surement eu un souci de mail comme d’hab » et je renvoie le même mail de demande de rendez-vous. Le 12 mars et le 18 mars, truc de dingue je reçois l’accusé de lecture de ma demande de rendez-vous. Le service doit être au MAX. Aujourd’hui allez, petite relance par email, et là, c’est le drame, réponse immédiate automatique « Échec de la remise pour ces destinataires ou groupes. 
La boîte aux lettres du destinataire est pleine et ne peut pas accepter de messages pour l’instant. Essayez de renvoyer ce message ultérieurement ou contactez directement le destinataire. » Azi je ne me laisse pas abattre je téléphone ils ont dû ouvrir une autre adresse e-mail. Je téléphone. Il y a un répondeur qui dit d’écrire au même mail. J’abandonne.

Service numéro 2. J’aurai surement plus de chance avec celui-là. C’est un peu plus important celui-là. J’y vois une Doctore ultra-méga-spécialisée 1 fois par an. En vrai ça me soule grave d’y aller parce qu’on se regarde dans le blanc des yeux, la Doctore prescrit 2-3 analyses ultra-spécialisées à faire dans l’année, les résultats sont toujours mauvais, on se regarde dans le blanc des yeux et on se dit « ah ben oui oui c’est pas bon » et à chaque fois même conclusion « on se voit dans un an, sauf si bam ». Je cale ce rendez-vous annuel mi-décembre juste avant les fêtes de fin d’année. Comme ça vous voyez, tous les trucs chiants ont lieu en même temps. Et puis par miracle au cas où la Doctore aime les fêtes, j’ai une petite chance que le rendez-vous soit plus fun. Je vous livre là un de mes plus précieux conseils de patiente (la deuxième meilleure période pour ce type de rendez-vous c’est juin, juste avant l’été et les grandes vacances). Mais en décembre dernier je me suis dit « azi ça me soule cette routine ça sert à rien j’irai plus, le bam ne se produit jamais, je suis tranquille ». Et puis voilà, il y a environ un mois, le « bam » tant redouté s’est produit. Je me suis dit « ouf » enfin de l’action. Toute fière, j’écris donc au mail qu’on m’a donné spécifiquement pour les bam, pour annoncer mon bam. Depuis un mois environ tous les deux jours j’ai réécrit. J’ai reçu tous les accusé de lecture, mais jamais aucune réponse. Je décide de demander l’avis de mon docteur spécialiste de la même spécialité mais « de ville ». Dans la journée il me rappelle. Il est trop sympa au téléphone. Il me dit qu’il ne sait pas me soigner, lui, mais que L’Hôpital Public saura. Il me dit qu’il faut continuer d’insister. J’abandonne.

Service numéro 3. Allez cette fois c’est la bonne. On est lundi matin, il faut que j’accomplisse une BA administrative. Cette fois c’est pour une petite connerie un peu à part du reste des maladies. Il y a un petit élément de mon corps qui ne fonctionne plus, et du coup il faut prendre un petit comprimé blanc de substitution tous les jours sinon au bout de 3 jours on meurt. Tous les ans on fait une prise de sang pour voir si c’est pareil et puis basta (accent corse). C’est ce que j’appelle « une maladie de confort ». Alors tous les ans je me tape une consultation avec encore une autre Doctore, ultra-spécialisée dans ce petit truc. Au début elle m’aimait bien, elle mettait dans les comptes rendus « je revois avec plaisir en consultation Madame Manon… » Je trouvais ça pas trop adapté mais bon c’est toujours cool les gens sympa. Et puis la dernière consult’ ça a été la cata. J’allais pas bien du tout du tout. On ne le savait pas encore, mais j’avais une infection très très grave. Le symptôme c’est que je m’endormais spontanément et j’avais très mal à mon cerveau. Je m’étais quand même traînée au rendez-vous annuel chez cette Doctore a priori cool et sympa. Comme je m’endormais devant elle et que je lui disais que j’avais mal au cerveau, elle avait eu du mal à faire sa consultation annuelle habituelle. Je répondais à ses questions en luttant luttant contre la méchante infection qui me faisait mal et m’endormir…… Là vous vous dites, « ah ben quelle chance elle a eu la petite dame, comme elle était dans un Hôpital la Docteur a pu l’orienter de suite aux urgences et son infection a été guérie à temps ». Et bien pas du touuuut. Ce serait trop facile. J’ai été houspillée autant pendant la consult’ que sur le compte-rendu : je n’étais plus une patiente-plaisir mais une patiente-brouillon qui ne savait pas suivre son traitement. Et vlan. Heureusement un super docteur « de ville » m’avait ensuite tirée d’affaire sur cette infection. Et maintenant, je ne veux plus retourner voir cette Docteur d’Hôpital bizarre, il m’en faudrait un autre du même service ultra-spécialisé, mais il faudrait que je téléphone pour expliquer un peu la situation. Pour une patiente sympa comme moi 🙂 allez, millième fois que je téléphone. « Votre temps d’attente est estimé à plus de 10 minutes, merci de renouveler votre appel ». BIP BIP BIP. Ça raccroche au nez. J’abandonne.

Je me suis dit que c’était le moment d’oublier ce lundi matin bien pourri avec un petit coup de blog et j’ai dégainé ma plume. J’avais néanmoins pas envie de juste me plaindre de la chiantitude administrative. J’avais envie de remercier « la ville ». Eh oui parce que dans toutes ces petites histoires c’est toujours la même chose. Les Grands Savoirs sont à l’hôpital, et les médecins actifs sont à la ville. La cigale chante à l’hôpital, la fourmi s’active en ville.
Je me souviens, souvent, au début de ma maladie, on me demandait « ah oui quand c’est sérieux comme ça, c’est suivi à l’hôpital n’est-ce pas ? » C’était y a bien 10 ans. 10 ans que je traîne à l’hôpital, et 10 ans qu’en fait très souvent, c’est la ville qui me rattrape et « me suit » . Et l’hôpital, c’est en fait moi qui continue de tenter de le « suivre ».
MERCI à toute la ville.

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Mais puisque vous êtes jeune !

Bon. Rendez-vous chez l’assistante sociale. On n’a jamais trop parlé des assistantes sociales sur ce blog. Je ne suis jamais trop allée chez l’assistante sociale.

En fait je connais quand même un peu l’assistance sociale parce qu’au collège la Grande Conseillère d’Orientation avait dit, en faisant des grands gestes comme si elle avait une boule de cristal : « Vous, je vois, je vois, vous serez assistante sociale ! ». En fait je n’ai pas du tout fait les études pour devenir assistante sociale. Et vous, avez-vous fait les études qu’avait prédit la conseillère d’orientation du collège ? Bon, on s’égare.

Donc je ne suis pas assistante sociale, mais comme tout malade j’ai déjà eu mille problèmes de type social, c’est-à-dire de type volet-arrêt-de-travail-allocation-de-retour-à-l’emploi-licenciement-pour-inaptitude-allocation-journalière-point-d’accès-au-droit et autres trucs qui sonnent chinois. Comme tout malade j’ai passé plein de temps devant mon ordi à glander, et du coup j’ai avalé toutes les pages du site service-public.fr. Au final, je suis presque une assistante sociale.

Mais aujourd’hui je me suis dit que j’allais parler de ma situation avec une vraie assistante sociale. En général c’est super sympa les assistantes sociales. A noter que c’est un peu comme pour les infirmières, les hommes n’existent pas dans la profession, je ne sais pas trop pourquoi. Du coup on ne dit jamais « je vais chez l’assistant social ». Et sinon, par rapport aux autres professionnels de santé, elles sont souvent moins stressées par le métier, moins overbookées, donc plus zen, plus accessibles, plus disponibles, plus super sympa.

Alors aujourd’hui cette assistante sociale était effectivement super méga sympa, conformément à la normativité du métier. Moi de mon côté, je parlais je parlais, et puis tout d’un coup, boum : « Mais attendez, vous êtes jeune, ce parcours serait cohérent si vous étiez âgée, mais vous, vous êtes jeune ! »

Je ne vais pas y aller par quatre chemins. Je n’en-peux-plus qu’on dise aux gens qu’ils sont jeunes. C’est très loin d’être une première pour moi, donc je suppose qu’il n’y a pas que moi. Allez autre exemple bien amusant : un Grand Docteur il y a longtemps « Mais attendez, vous êtes jeune, les somnifères OUI si vous étiez âgée, mais là NON vous êtes jeune ».

En fait quoi le jeune ? Le jeune il n’a pas besoin de dormir, il ne ressent pas la douleur, il n’a pas besoin d’aller aux toilettes, il n’a pas de problème de santé ni d’argent ni de famille ? Ben oui ça doit être ça. Et bien sûr le vieux lui, peut prendre des somnifères sans problème, c’est pas comme si ça allait augmenter le risque de chutes ou de fracture du col du fémur. Non mais oh, ce serait pas de la paranoïa de jeune ça, par hasard ? Ah décidément, l’insouciance du jeune… Ah décidément, le pauvre petit vieux…

Je vous l’avoue maintenant, moi à qui la maladie impose chaque jour le jeûne de ma jeunesse, je n’ai qu’un petit rêve secret pour avoir un jour enfin la paix : je veux être vieille.

Murmures… >> rendez-vous dans 35 ans pour voir. Sur ce blog, ou sur ma tombe.

😉

 

PS : cet article a été tweeté comme #BilletDeBlogDeLaSemaine du Département de Médecine Générale de l’Université Paris Descartes.

Crédit photo : L. Polard

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La guerre des gangs à l’hôpital

Bon. Y a pas que les petits vieux qui ont plusieurs maladies chroniques. Peut y avoir aussi des petits jeunes. Mais j’ai l’impression que dans l’idée générale de la société, le malade a UNE maladie.

Ainsi, souvent on me demande. « Ah bon, tu es malade ? C’est quoi TA maladie ? ». Et là je suis super embêtée. Est-ce que je dis la grosse maladie rare que personne ne connaît et qui embête le plus tout mon gros corps ? Est-ce que je dis la très connue, très localisée, et donc tout le monde va être très emphatique sur mon ventre mais personne ne comprendra jamais pourquoi j’ai mal partout ailleurs ? Est-ce que je dis la toute petite très rare, qui ne fait quasiment aucun symptôme mais qui peut être mortelle ?

En fait, plein de gens ont plusieurs problèmes, mais on n’en parle pas beaucoup. Je me dis que peut-être que les gens qui ont plusieurs problèmes n’ont pas le temps de faire du blogui-blogua comme moi.

Eh oui, parce que ça prend du temps d’être malade, et c’est éprouvant. Allez, c’est parti pour la dernière anecdote croustillante en date.

Les maladies rares sont suivies dans des Centres de Référence. Souvent à Paris ou en RP (=Région Parisienne). Souvent avec des Grands Professeurs à la tête des Centres. Et si ce ne sont pas des Grands Professeurs à la tête, ce sont souvent des Grands Docteurs à la grosse tête.

Moi je suis donc suivie dans deux Centres de Référence maladie rare, pour les deux maladies rares. Pour la maladie pas rare, c’est plus simple.

Rendez-vous annuel de suivi chez le Grand Docteur du Centre de Référence n°1, de la petite maladie mortelle qui concerne un tout petit organe : « Oh là là c’est pas bon, ça ne va pas, le bilan sanguin montre que la maladie reste là sans bouger, ce n’est pas normal elle devrait s’améliorer, est-ce que vous avez bien suivi mes consignes ???!! » Regard noir du Docteur.

J’ai de la chance, l’évolution de la maladie rare n°1 se contrôle au bilan sanguin. On ne peut pas faire rentrer là-dedans le psychologique, le psychosomatique, la qualité de vie, ma volonté de guérir, mon éventuelle tendance à l’exagération … Mais du coup le Grand Docteur n°1 n’est pas content que sa technique de guérison ne fonctionne pas. Il me soupçonne de mal suivre le traitement : « Ça n’arrange pas mon affaire ce que vous faites Madame Manon !! ». Re-regard noir du Docteur.

« Mon affaire ». C’est l’affaire de qui la maladie en fait ? Du patient qui vit avec chaque seconde, ou du Grand Docteur susceptible qui voit le patient 15 minutes par an ? Bon, passons sur cette affaire.

Rendez-vous annuel chez le Grand Professeur du Centre de Référence n°2, de la grosse maladie qui envahi tous les organes. La maladie est toujours là. Le Grand Professeur est habitué, un peu blasé, mais pas fâché. Chaque être humain son style, chaque Docteur/Professeur son humeur. Je lui parle de la maladie n°1 qui ne guérit pas, et je lui demande si ça peut être à cause de la maladie n°2. « Oui ! » qu’il me dit.

Ah ben me voilà moins bête. Et moi de me dire que si Grand Docteur n°1 et Grand Professeur n°2 se parlaient, ça m’éviterait de me faire molester en consultation n°1. Alors Grand Professeur m’assène, comme si j’étais une petite externe : « Que Grand Docteur n°1 me contacte, donnez-lui mes emails et téléphone ! »

Vous sentez venir le truc ou pas…?
J’écris comme convenu à Grand Docteur n°1…
Je lui dis que Grand Professeur pense que si la maladie n°1 ne guérit pas, ce n’est ni ma faute, ni la sienne, c’est probablement la faute à la maladie n°2. Je lui donne les coordonnées de Grand Professeur comme enjoint.

Quelques jours plus tard, réponse du Grand Docteur n°1 : « Que Grand Professeur me contacte, vous connaissez mes coordonnées ! »

Eh voilà. Un joli dialogue de sourds en bonne et due forme.

J’en suis venue à me dire que c’était vraiment pourri d’avoir plusieurs maladies. Que c’était pourri que des Grands Coqs soient à la tête des Centres de Référence. Que à la base le métier de Docteur ça n’était pas de jouer à savoir qui aurait la plus grosse.
Tête bien sûr.

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Forlax vs Movicol

Bon. Je discutais l’autre jour avec une amie en D4 = bientôt médecin. Dans moins d’un an. Elle me faisait part de la difficulté des études, ça apparemment, ça va changer. Elle avait l’impression que les autres savaient « tout », qu’elle ne savait « rien ». Mais qu’est-ce que « savoir » en médecine ? Elle me faisait part aussi de ses doutes et de ses craintes en général, autour de la notion de « prescrire ».

Alors, selon le type de médecin, il y a prescrire des séances de kiné, il y a prescrire des imageries, des prises de sang, la sécu qui surveille qu’il n’y a pas trop de prescriptions de tout ça…mais jusque là, tout va bien.

Les choses se compliquent quand il est question de prescrire des molécules. Des molécules qui vont modifier la chimie d’un corps humain. Dans le but de l’améliorer c’est sûr. Mais il y a souvent (toujours ?) des effets secondaires. Là pareil, il y a les petits effets secondaires = le patient se plaint d’insomnies pendant sa petite corticothérapie 5 jours 10mg/kg pour rhume persistant, et les grands effets secondaires  = les lésions potentiellement irréversibles du foie sous methotrexate dans les MICI.

Ma copine future médecin ayant super peur de faire du mal à ses futurs patients avec les effets secondaires, j’en venais à me demander qui était vraiment responsable. On pourrait penser facilement que « celui qui a dit de faire » est responsable. Mais moi, la malade, si je mets le comprimé dans ma bouche, j’ai aussi ma part de responsabilité non ? Je sais que je dois en principe lire la petite notice du médicament avant de le prendre. Le pharmacien peut m’aider aussi.

Vous êtes en train de vous demander ce que c’est que cet article chiant ou le titre aguicheur allait faire parler de caca croustillant. On y vient.

Essayant de réconforter ma copine, je repensais à un truc qui m’interpellait voire m’agaçait parfois chez le médecin. Le patient, le malade, tout malade, il a sa petite expérience avec lui. Pas forcément des tonnes de compte rendus médicaux dont on n’en peut plus (faut lire le reste du blog !). Mais souvent ce que sa mémoire lui a appris, ce qu’il est capable de rapporter. Si le patient sait qu’il dort mieux avec un Lexo qu’un Xanax, si le patient sait que le kiné lui fait plus de bien qu’un Lexo, si le patient sait qu’il fait mieux caca avec un Movicol qu’un Forlax…
Mais alors pourquoi cette phrase qu’on entend si souvent dans la bouche du Docteur :
“Moi je préfère le… Forlax”.
Remplacez Forlax par ce que vous voulez.

Alors ok si UN Docteur, le Forlax ça le soulage, ce n’est pas forcément la même chose pour UN patient, ni pour UN autre Docteur, ni pour UN autre patient. Ok peut-être que le Docteur a prescrit à 50 patients du Movicol et à 50 patients du Forlax, et 80 patients ont rapporté préférer le Forlax. Ok peut-être que la HAS a dit Movicol d’abord, Forlax après.

Ok ok ok.

Mais en fait je me disais que la prescription ferait peut-être moins peur si elle était un travail d’équipe. Le médecin pourrait s’éclairer de l’expérience du patient avec les médicaments, le patient pourrait s’éclairer de l’expérience du médecin et des recommandations. Le patient éclairé serait informé des effets secondaires possibles. Il resterait vigilant et responsable.

À mon amie médecin, que tu te rassures, il me semble que, dans l’écoute et l’échange, le dernier des responsables c’est celui qui, éclairé, porte le comprimé à sa bouche. Ou le lavement à son c..
N’en déplaise aux savants, du Movicol ou du Forlax, moi je suis Movicol, et ça, ça ne s’apprend pas à l’école.

PS : cet article a été tweeté comme #BilletDeBlogDeLaSemaine du Département de Médecine Générale de l’Université Paris Descartes.

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