Archives mensuelles : septembre 2022

Aider l’aidant : Taisez-vous Madame ! 

Petite femme fragile que je suis. Sexe inférieur, chose malade, bien habituée à la chose. Mon aidant en difficulté de santé en ce moment, ni une ni deux j’use de mon talent de téléphonage aux hôpitaux injoignables, de brossages de poils d’agent d’accueil (parfois géniaux) pour avoir des rdv plus tôt, et bingo j’obtiens un rdv pour le lendemain.

2 jours que je suis au lit, malade++ comme on dit. Mais l’aidant souffre aussi. Alors faut aider, après tout, pourquoi y aurait-il forcément un aidant mâle fort infaillible, et une malade femelle fragile maigrichonne palotte incapable ? Je m’extirpe du lit, j’avale 40 mg de cortancyl de bon matin, histoire de foutre sa claque à l’inflammation pour aider l’aidant si méritant depuis longtemps, et je me traîne avec lui jusqu’à l’hôpital. 

« Mon épouse peut-elle venir avec moi en consultation ? » demande-t-il.

On demande toujours, c’est poli.

Gêne du Doctor : « euh oui euh je sais pas euh comme vous voulez euh ».

Bon y a deux chaises en face de son Grand Bureau, ça semblait prévu pour 2. Tout va bien. 

L’interrogatoire commence. L’aidant n’a pas l’habitude du Doctor, contrairement à moi (faut bien être malade et expert en quelque chose), il se sent en garde à vue, il bafouille il oublie il bégaye : je l’aide. C’est ça être aidant non ? Pour aider ?

Rarement, lui, vient en consultation avec moi, car je veux épargner sa charge mentale. Mais parfois, si je suis très mal, si un médecin est très gentil depuis longtemps, ou très méchant depuis longtemps, mon aidant vient. Si je suis très mal, il retient ce que j’oublie, parle pour moi. Si c’est un médecin très gentil, on rigole un peu c’est stylé. Si c’est un médecin très méchant, mon aidant grand mâle musclé homme blanc chef de maison me protège du Docteur Patriarche malfaisant malaisant. Bref c’est tout bénéf, un aidant. 

Puis rentre le Supérior du Doctor 1. Doctor 1 l’a briefé, il a surement aussi placé que MADAME prenait un peu trop de place dans la sacro-sainte consultation.

On salue tous deux très poliment Doctor Supérior. Il fait peur il reste debout il s’assoit pas, on sent que faut terminer ça rapidos. Il s’excuse du retard il a l’air sympa quand même. Il recommence l’interrogatoire à mon aidant malportant. Sous l’effet du stress, ça bafouille, ça se trompe, ça dit des choses fausses.

Alors je me dis : Mais tiens, je suis là moi, pour aider n’est-ce pas ? On m’a laissé entrer, m’assoir, dire bonjour tout ça. Alors j’ose parler pour aider. Mais sans lever la main comme à l’école. On est entre adultes à l’hôpital normal.

Et Doctor Supérior d’asséner d’emblée : « Taisez-vous Madame, laissez parler Monsieur. »

Et voilà Monsieur encore plus décontenancé, de continuer à bégayer, à hésiter, à se tromper. Mais la dinde de la farce est venue pour agrémenter le paysage, elle doit fermer sa grande gueule. Elle a pris le rendez-vous, elle s’est déplacée, mais de quoi se mêle-t-elle en plus ?

Remerciée de ma présence d’un tel affront, je suis partie la tête basse, sans remercier ces garants d’une société où la femme doit sans faille rester à sa place. C’est-à-dire le cul posé sur la chaise d’à-côté, la gueule bien fermée, la tête baissée, en pensant simplement, au prochain dîner.  

Une dinde peut-être ?

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Surtout, être moche

Aujourd’hui, je vais à l’hôpital pour la Grosse Maladie. Je suis KO KO KO, infectée depuis plus de 2 mois par une E. Coli qui dégage pas, malgré les antibios qui se suivent sans se ressembler, les plantes à tout va conseillées par le pharmacien, quitte à se transformer en arbre. Y a toujours ce truc en naturopathie d’en prendre des tonnes.

Bref, mon aidant m’emmène, Dieu le loue. Y a pas de taxis conventionnés, les médecins n’en prescrivent pas parce que l’Assurance Maladie (sur)veille. Mon aidant est encore au chômage, il trouve pas de taf mais en même temps il m’aide tellement parce que j’ai tellement besoin d’aide que ça nous arrange bien. En France l’Allocation de Retour à l’Emploi ça finance autant les fins de thèse de Doctorat que les aidants à plein temps (à la base c’est à la MDPH de faire ça, mais bon…..la France et la paperasse…au moins le Chômage, ça tombe efficace. On prie pour que la maladie se calme quand y aura plus le Chômage. On vit au jour le jour parce que peut-être bientôt on sera mort anyways. Un jour on reparlera de tout ça).

Mais bref, aujourd’hui donc je vais au Gros Hôpital. Du coup, une fois n’est pas coutume, faut s’habiller, si j’y vais en pyjama as usual as casual, on risque de croire que je me suis évadée de quelque part. 

Cet été, tout l’été, j’ai porté la même robe rose. Je ne travaille pas, j’ai plein d’amis mais je les vois pas souvent, je sors peu, du coup la robe rose, elle est rentabilisée, tout l’été. 

Donc pour l’hôpital, robe rose ? Oh diantre non ! La robe rose, un signe de beauté, de bonheur, de santé, d’insouciance, de plaisir ! Un malade n’est pas vraiment malade s’il est en rose. C’est tout à fait incompatible. Ainsi mon amie Louise m’avait-elle appris que dans ses cours de médecine on lui avait appris à reconnaître un patient qui est malade : il pue, il a les ongles sales, il est décoiffé, ses vêtements sont pourris. Ah oui lui, il est très malade, il a besoin de soins et d’attention. 

Je range donc ma robe rose dans le placard pour la première fois de l’été. Je coupe mes ongles à l’envers, je les gratte dans la terre. Je m’en mets un peu sur le visage, pour la forme. Ça colle un peu avec la crème de jour, c’est parfait. Je sors ma tenue noir de deuil, j’arrive plus à la fermer tellement j’ai grossi mais braguette ouverte c’est encore mieux. Ainsi, tout le monde verra que je suis bien malade, que je mérite mes grosses morphines et mes arrêts maladie, et ainsi on s’attèlera à essayer de guérir mes infections qui me mettent visiblement pour de vrai très à plat. 

PS : not all Doctors, ouf !

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