Bon. Petite, avec les premiers cours d’histoire, j’ai commencé à avoir super peur de la guerre. A 8 ans, je demandais régulièrement à mes parents : « Mais vous êtes sûrs qu’il n’y aura pas la guerre ? » Je leur disais que moi j’avais trop peur de la guerre et que je ne supporterais pas de vivre avec. Mes parents me disaient : « Mais non rassure-toi, il n’y aura plus jamais la guerre. Ce sont des erreurs du passé. Maintenant les adultes ont compris. »
Ouf. C’était bon pour moi. J’ai donc grandi avec l’idée que je ne vivrais jamais la guerre. Même il y a quelques semaines de cela, je me disais que ouf je mourrais sans avoir connu la guerre, que j’étais chanceuse, parce que je sais bien qu’à certains endroits du globe il y a la guerre. Même sous le nez des enfants.
Ça, c’était hier.
Puis il y a eu « la guerre » d’Emmanuel Macron. Des gens étaient pas contents avec le mot « guerre ». C’est vrai qu’aujourd’hui c’est pas vraiment la même guerre que celle qui me faisait peur quand j’étais petite. A l’époque j’avais peur du mal que se faisaient les gens entre eux, de la peine causée par la mort, du gâchis. Bon en fait donc, aujourd’hui c’est un peu la guerre aussi.
Je suis allée voir la définition du mot « guerre » dans le Littré. C’est le sens 11, dit figuré, qui dit que la guerre c’est : « Toute espèce de débat, de démêlé, de lutte. » Bon alors oui aujourd’hui, c’est la guerre aussi.
Hier, vraiment hier, alors que j’essayais de me distraire avec mon smartphone d’adulte pour m’endormir, je suis tombée sur ces mots de l’Organisation Mondiale de la Santé : « Le 30 janvier, nous déclarons l’état d’urgence le plus élevé pour le COVID19. Le 30 janvier, il y avait seulement 82 cas en dehors de Chine. Pas de cas en Amérique Latine. Pas de cas en Afrique. Seulement 10 cas en Europe. »
Le 30 janvier 2020, c’était hier.
Alors que le 24 octobre 1945 donnait naissance à l’Organisation des Nations Unies, la même année que l’armistice, pour un « plus jamais ça », alors qu’avril 1948 donnait naissance à l’Organisation Mondiale de la Santé, agence spécialisée de l’ONU pour la santé publique, le monde d’avril 2020 est en guerre.
Alors que le 30 janvier, « seulement 10 cas en Europe ».
Aujourd’hui, la France retient son souffle devant un Premier Ministre, pour l’écouter parler d’une guerre que des adultes comme lui ont laissé s’installer, malgré les mises en gardes répétées des instances de paix.
Aujourd’hui 211 000 décès dans le monde. Hier, « 10 cas en Europe ». Demain, combien ?
Et moi de repenser à l’enfant à qui on avait promis : « Il n’y aura plus jamais de guerre, les adultes ont compris ».
L’enfant de 8 ans est toujours là ; comme si c’était hier.