Bon. Quand je suis tombée malade chronique le 16 avril 2009, j’allais encore plutôt bien en termes d’état général. Je faisais des études dans une Grande École Prestigieuse, même s’il y avait plein d’ulcérations dans les organes de mon corps.
Comme tout novice à l’aube de son diagnostic, je cherchais des solutions dans l’alimentation, dans les plantes, dans la méditation pleine conscience, dans les témoignages des malades plus vieux donc plus expérimentés…
Et je me souviens de ce Monsieur sans âge, sur une web TV d’une grande asso française de maladie chronique super connue maintenant. Le son était de mauvaise qualité, l’image grisâtre. Le Monsieur avachi, chemise blanc sali, et derrière, un fond gris clair. Il parlait lentement, morose. Je méprisais un peu ce gros type tout mou, repensant à ma soirée en boîte de nuit de la veille. Ouais j’avais des ulcères partout mais moyennant quelques aménagements bien à moi, je continuais de vivre.
C’était y a 10 ans. Je me souviens d’une seule phrase de cette vidéo : « On s’habitue à tout, le plus dur c’est la fatigue ». Du haut de mes 22 ans, je ne comprenais pas ce type.
De quelle fatigue se plaignait-il ?
Il était allé en boîte la veille lui ? non.
Il avait lavé sa chemise ? non.
Il était allé faire du shopping chemise pour la vidéo ? non.
Il faisait du sport pour être moins gros ? non.
Bref, sans méchanceté mais pleine de naïveté, je me disais que Monsieur devait être un flemmard, et que moi, moi, moi jamais je ne me plaindrais de « la fatigue ».
Hier soir je me suis couchée à 22h, aujourd’hui je me suis réveillée à 14h ; malgré plusieurs réveils qui avaient été programmés pour me sortir de la torpeur qui me ronge nuit, jour… Et pourtant en ce moment, je dirais que je vais plutôt bien.
Ah…! comme la petite clubbeuse de 22 ans dans ma tête est en colère.
Je comprends ce Monsieur seulement maintenant.
En fait « la fatigue » c’est un truc qui vient plus tard. A force d’années de douleurs, de fractures, de diarrhées, de vomissements, d’inflammation, de migraines, d’infections, même quand ça va un peu mieux, ce qui reste toujours à la fin c’est : la fatigue. Pas la fatigue psychologique du malade saoulé d’avoir vu défiler trop de malheurs.
Non, non : la fatigue, du corps.