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J’ai fait ma troisième first date chez un médecin généraliste. Ça a matché. Ouf.
La première date, une femme. C’est complètement idiot, je préfère les femmes. Pourtant mon médecin préféré, mon Docteur K dont je vous ai déjà parlé, c’est un homme. Et c’est sûrement aussi complètement idiot, je préfère les jeunes. Pourtant j’ai eu un super pneumologue, à la retraite maintenant, qui n’était pas jeune. Un des plus stylés de tous les médecins que j’ai eus. En fait je crois que j’aime m’identifier au médecin généraliste. Quand on a une maladie chronique, qui plus est plusieurs maladies chroniques, quand on va voir plusieurs spécialistes, on joue souvent le rôle du médecin traitant. On fait le pont entre tous. C’est un rôle lourd à porter. Ça va quand on ne souffre pas trop. Ce n’est plus possible quand on n’en peut plus. Un bon généraliste, c’est le plus important de tous vos médecins, d’une certaine façon. C’est votre pilier, votre « avocat de la maladie », quand vous n’en pouvez plus de parler, expliquer, défendre. Donc sur les conseils de la pharmacie j’étais allée chez cette dame, ça n’avait pas matché. J’étais sortie mitigée, pas bien comprise, un peu affaiblie.
Pour la deuxième date, j’ai utilisé un truc que je fais souvent. Je trouve une broutille à un proche, souvent mon mari ou mon frère, genre un rhume, un coton de coton-tige coincé dans l’oreille, une prescription de vaccin pour la grippe, un certificat médical, et on y va à deux. Et je fais une date par procuration. J’observe. Évidemment ce n’est pas pareil une consultation pour quelqu’un en bonne santé qui a un coton coincé dans l’oreille ou une consultation pour quelqu’un qui fait peur avec toutes ses maladies et ses médicaments. Mais ça permet de se faire une petite idée. J’ai donc ainsi ma petite bande « d’éclaireurs ». Ça me permet de faire une date plus reposante puisque je ne parle pas. Donc cette deuxième date, avec un homme pour la parité, ça n’a pas matché non plus.
J’ai fait une troisième date, seule cette fois encore. J’ai déjà pensé me faire accompagner, me demandant si ça éviterait les désagréments du type décrits au billet précédent : des médecins qui pataugent face à des maladies graves et/ou rares, qui prennent peur, qui s’expriment mal, qui jugent la petite jeune face à eux. Peut-être que si elle venait avec un mari ou un frère ou une mère ou un père ou une amie, ce ne serait pas pareil, je ne sais pas. Mais j’évite d’imposer mes consultations difficiles à mon entourage ; et de plus je me dis que c’est davantage seule que je vais voir le vrai visage du médecin. Vous avez compris, c’est dur tout ça. Je suis allée à cette troisième consultation « sous couvert de Xanax ». Ne soyez pas outrés. Ce n’est pas si méchant que ça le Xanax. Ça permet de s’en sortir moins traumatisé au cas où ça se passe mal. Ça permet de se souvenir moins bien de ce qui s’est passé. Et on ne remarque pas spécialement quelqu’un « sous Xanax ». On n’est pas complètement défoncé.
Donc cette fois, cette troisième fois, ça a matché. J’avais préparé le terrain davantage. J’avais fait une sélection plus dure. J’avais regardé les photos. Si ce qui me rassure c’est de m’identifier au médecin, alors la photo ça pouvait m’aider. La photo de cette troisième médecin généraliste me faisait penser à ma généraliste d’avant. A qui je m’identifiais déjà, probablement. La photo était souriante. Pas un géant sourire de fou rire, pas un mini sourire juste de lèvres. Un vrai petit sourire, où on voit les dents, un peu mais pas trop. J’ai trouvé des dents bien entretenues, un sourire prévenant, un visage rassurant, des cheveux en bonne santé. Tout ce que je veux être et tout ce dont j’ai besoin. J’ai listé mes qualités et mes défauts, j’ai listé les qualités que j’apprécie particulièrement chez les autres, les défauts que j’abhorre. Finalement je n’ai pas trop eu besoin de cette liste.
J’ai commencé par dire pourquoi je venais, à savoir que je cherchais un médecin traitant, et que j’avais besoin d’ordonnances. Un malade chronique à toujours besoin d’ordonnances. Je dis souvent quand je vais chez le médecin que je vais « aux courses ». Elle m’a demandé d’emblée si je voulais changer de médecin traitant. J’ai dit que je ne savais pas trop, que j’étais très attachée à celle d’avant, que j’avais déjà vu quelqu’un mais que j’étais désolée, ça ne c’était pas très bien passé. Elle n’a pas du tout insisté. Elle avait compris qu’elle était à l’épreuve. J’ai fait ma petite présentation. Elle m’a dit : « Ça ne doit pas être facile pour vous de répéter toujours tout ça ». Bon sang elle marquait un point. On a parlé de passé, de présent, d’avenir, de maladie, de la vie en dehors de la maladie. On parlait de choses dures, on faisait des petites blagues quand même, avec des petits sourires comme sur la photo. Elle ne cessait de marquer des points. Elle me rassurait. Elle me faisait confiance. Elle ne me jugeait pas. Elle était plus efficace que le Xanax d’avant consultation.
La fin d’une date, une date amoureuse surtout, c’est toujours gênant on est d’accord ? On cherche les signes chez l’autre pour savoir s’il a aimé. On se demande si on va se revoir mais on ne peut pas vraiment lui demander s’il veut qu’on se revoie. Elle m’a dit : « Je vous fait une ordonnance pour un mois, d’accord ? ». J’ai interprété : « Vous revenez aux courses dans un mois ». Je ne l’avais pas rebutée. Elle faisait un premier pas pour me dire qu’elle voulait me revoir, alors j’ai senti qu’il fallait que je fasse quelque chose moi aussi, pour lui montrer que j’avais aimé toute cette gentillesse. Alors je lui ai demandé si on pouvait faire la demande changement de médecin traitant. Ou si elle avait besoin de temps pour réfléchir. Je ne voulais pas la mettre mal à l’aise en lui mettant la pression. Elle a sourit encore. Elle n’avait pas peur de moi. Elle a fait le changement depuis son ordinateur. On s’est dit au revoir. J’ai osé dire « A bientôt ». Elle m’a souhaité une « Bonne journée ».
C’est bon. Grâce à elle, ça allait effectivement être, une bonne journée.