La guérison

Bon. Vous avez peut-être déjà compris en lisant des bouts de blog, moi j’ai deux (deux c’est mieux) maladies chroniques incurables. In-cu-ra-ble, comme le découpe l’artiste DoubleA dans son spectacle, dont je vous parlerai bientôt. « Incurable » d’après le Larousse (je m’appelle Leroux, j’aurais toujours voulu m’appeler Larousse, d’abord parce que je suis une fille et pour faire plus intelligent) ça veut dire : « Dont on ne peut se défaire, qui possède un défaut sans qu’on puisse l’en débarrasser ». Donc ce n’est pas comme un rhume qui s’en ira. Ce n’est pas comme une infection à clostridium difficile qui après vous avoir permis de séjourner dans la plus belle chambre de l’AP-HP, partira avec l’aide des antibiotiques.

Incurable = on ne guérit pas. Alors oui peut-être un jour, quand les chercheurs auront beaucoup travaillé, quand les labos pharmaceutiques auront vu l’opportunité de faire tourner la boîte, quand les médecins auront eu confiance en des nouveaux médicaments, peut-être un jour, des maladies incurables aujourd’hui, deviendront curables. Mais dans longtemps quoi. A l’échelle d’une vie humaine, le corps médical vous explique d’emblée que la maladie, c’est pour la vie.

En fait, dans certaines maladies incurables, comme les miennes, les évolutions sont imprévisibles. Ça peut s’aggraver toujours, ça peut se calmer toujours, ça peut évoluer en dent de scie toute la vie. Donc dans tous les cas c’est un peu comme un mariage à l’ancienne. On tombe sur quelque chose, on ne sait pas trop comment ça va se passer, mais pour sûr on va rester marié.

A partir de là, il y a un truc génial en France, qui s’appelle l’ « Affection longue durée » (ALD). C’est très affectueux comme petit nom, la même affection qu’il y a dans un mariage justement. Ce système permet par exemple d’avoir ses médicaments entièrement pris en charge par la Sécurité Sociale. Ça peut être très intéressant si par exemple votre médicament coûte 5000 euros par mois. Il n’y a pas les 30% pour la mutuelle, ou pour votre pomme si vous n’avez pas de mutuelle. Autre exemple, en général les radiologues ne prennent pas de dépassement d’honoraires si votre ordo concerne l’ALD. Sans faire de commentaires sur les tarifs des radiologues, on commentera la belle économie que peut vous permettre l’ALD sur les imageries, si vous êtes sans mutuelle ou si votre mutuelle ne prend pas en charge les dépassement d’honoraires (ce qui est mon cas, et le cas de plein de monde).

L’idéal c’est que votre maladie chronique se trouve dans LA liste des 30 ALD reconnues par la Sécurité Sociale. Une fois le diagnostic posé, bien annoncé, vous avez la chance de pouvoir faire une « demande d’ALD ». En général la réponse est positive dans le cas de la maladie de « liste ». C’est comme pour rentrer en boîte de nuit, c’est toujours mieux d’être sur « la liste ». Alors par contre, il y a un truc curieux. On a bien retenu les mots « longue durée ». Logique puisqu’au-dessus on a parlé de « incurable ». Et bien souvent, on a l’ALD pour un an, deux ans, cinq ans, dix ans, bref pour quelques années. Je ne comprends pas trop bien. Ils sont très optimistes à la Sécurité Sociale sûrement. Sur tout le processus dont on a parlé au début, chercheurs, labos pharma, médecins… Ils pensent que ça va aller très vite. Pourquoi pas. Mais juste pour qu’on se rende bien compte hein, une demande d’ALD, ça peut prendre plusieurs mois entre la demande et la réponse. A priori ça veut dire que c’est un processus « longue durée ». Donc pourquoi la super idée ce serait pas de tout simplifier et de mettre des ALD à vie ? Ben oui, in-cu-ra-ble. Figurez-vous que ça a déjà existé. Mais que d’après un MG que j’avais vu qui connaissait quelqu’un qui connaissait quelqu’un qui travaillait à la Sécurité Sociale, on aurait peur du trafic de cartes vitales à ALD à vie, même après la mort des gens. Quand j’avais entendu ça…waou. Je me voyais déjà millionnaire. Oui parce que mon père a une ALD à vie. Enfin non pas « à vie » mais on lui a délivré en 2008 un papier lui disant que son ALD serait valable jusqu’en 2099. Mon père est né en 1949. Je vous laisse faire le calcul et du coup voir l’espérance de vie estimée par la Sécurité Sociale pour mon père. On a dit optimisme, encore plus que chez Carrefour ! Du coup je sais déjà ce que je ferai pour gonfler mon héritage. Merci Papa.

Alors reprenons, si votre maladie chronique n’est pas sur la liste des 30 ALD (regard noir du videur : « Vous n’êtes pas sur la liste ») et bien c’est un peu le : « ça ne va pas être possible ce soir« . C’est-à-dire que là, c’est encore mieux, vous n’êtes pas malade chronique ! Vous n’avez pas d’affection longue durée, désolée. En réalité les médecins (= ces pessimistes qui aiment les malades et les maladies) arrivent en général à batailler avec la Sécurité Sociale et de là ressort une semi victoire à moitié réaliste qui vous déclare un peu malade, à revoir dans quelques années, comme si vous aviez été sur « la liste ». La maladie c’est donc finalement plus souple que la boîte de nuit.

Pour la MDPH, la Maison Départementale des Personnes Handicapées, qui « reconnaît » votre handicap, vous délivre éventuellement une carte de priorité, ou une carte d’invalidité, ou une carte de stationnement, c’est le même optimisme ! Une demande à renouveler tous les 2 ans, tous les 5 ans. Rapport à leur force de travail, on peut saluer encore davantage l’optimisme extrême de la MDPH, puisque là les délais, par exemple pour mon cas perso « simple » (= tu demandes pas d’argent) à Paris (c’est « départemental »), ça a été un an et demi le temps entre la demande et la réponse. Voilà voilà. Presque le temps qu’on pense que tu seras guéri quoi.

Alors moi, aussi candide ou optimiste que l’avait décrit Voltaire, je me prends à rêver, à chaque fois que je reçois ces fameux courriers qui m’indiquent que mon ALD a été renouvelée, pour deux années. Je rêve tellement…

C’est bon les lecteurs, dans deux ans je suis guérie, j’arrête tout, les médicaments l’hôpital les médecins et le blog, pour aller faire pousser des pommes de terre en Isère avec Voltaire !

PS : la photo, c’est celle du valeureux Eric T, merci Eric ! Vous pouvez le suivre sur Twitter.
PPS : Un fidèle lecteur me fait remarquer que, le problème de ce macaron, c’est la durée !

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