Bon. Je vous avoue un truc. Depuis que je vous écris, depuis que vous me dites que ça vous plaît, depuis que vous me dites que vous êtes désolés pour ma maladie mais que je vous fais vraiment rigoler, depuis qu’on a dépassé les 3000 vues de blog en un gros mois de début, je me sens swag. Je l’ai déjà dit via les réseaux sociaux, mais encore c’est mieux, un énorme merci. Je me sens plus à l’aise dans ma vraie vie. Quand un gars de la sécurité vient me voir dans la queue handicapée parce que : « Il faut faire la queue là-bas comme tout le monde Madame, ici c’est la queue prioritaire », je lui dis : « Oui j’ai une carte. » Il faut quand même dire : « J’ai une carte. » Pour ceux qui attendent la carte de la MDPH (en procédure accélérée j’ai attendu un an et demi), et qui sont malades sans en avoir l’air, bonne chance avec le gars de la sécurité.
Donc le gars de la sécurité, je lui montre ma carte. Mais l’autre jour j’étais dans un groupe de gens qui savaient pas que j’étais malade. A un moment y en a un qui me sort une tirade digne d’un Molière mal joué façon Le Malade Imaginaire : « Oui moi y a rien qui me stresse dans la vie, je connais la souffrance de la maladie par le biais de ma sœur, et du coup je peux te dire que les choses qui te stressent toi, c’est pas du tout ce qui me stresse moi. »
Je me suis dit que, cette fois, pas comme dans l’article Le certificat médical, je ne pouvais pas laisser passer cette occasion en or. Alors j’ai dit : « Tu sais moi aussi je connais bien le handicap, ça ne se voit pas mais je suis moi-même handicapée. » Lui, clope au bec, air condescendant (petite mise en point : la pitié non, mais l’empathie oui, c’est bienvenu dans ces cas-là, un tout petit peu quand même) : « Ah bon et tu as quoi toi comme maladie? » Moi (j’en ai plusieurs, j’aime bien commencer par celle que je trouve la plus classe de toutes) : « Une mastocytose. » Lui : « Ah, connais pas. » Clope au bec, aspiration d’une taffe. Pour aider ce malade imaginaire moins savant que la femme, je dégaine mon autre maladie, plus connue : « J’ai aussi une maladie de Crohn. » Lui : « Ah, oui je connais. » Dernière taffe de cigarette. Soufflage de fumée dans la gueule. Pour ceux qui savent pas, les gastros le rabâchent dans tous les sens, le fait de fumer aggrave le Crohn. Visiblement donc, il connaissait, mais pas assez. Mégot jeté au sol. Chaussure bien cirée qui écrase le mégot. Lui, Dom Juan : « Ah, ça fait du bien. »
Voilà. J’avais fait mon coming out. Je me suis sentie à poil devant ce Tartuffe bien ciré de la tête aux pieds, de son crâne chauve luisant à ses souliers brillants, qui avait pour seul argument d’humanité la maladie de sa sœur, mais qui était pourtant bien avare de sentiments. Perso mon frère est pas du tout comme ça. Bien ciré oui, mais gentil. Je me suis donc rappelée pourquoi je disais si rarement ma maladie. Après mon coming out devant ce bourgeois gentilhomme plus bourgeois que gentil, j’ai eu une nausée pendant plusieurs heures. La nausée des Zola. J’avais mal. J’ai pas pris de Vogalène. Je me suis dit que je serai plus forte que ce fourbe.
PS : Merci à Molière de m’avoir aidée à écrire ce billet sur le coming out
PPS : Grosses pensées d’amour à tous ceux qui font des coming out
Edit : pour mes chers lecteurs qui sont tous perturbés de savoir, croyant avoir percé le mystère sans le vouloir, ne vous inquiétez pas, j’ai encore une autre maladie, eh oui ! elle se devine en lisant bien les autres billets, comme d’habitude 😉