Bon. Pour le premier article de ce blog, j’ai de la matière.
J’ai eu aujourd’hui une de mes plus belles consultations avec un médecin. Belle au sens de la vraie « beauté », gratuite généreuse universelle unanime évidente. On a commencé de manière classique « Alors comment ça va ? » on a discuté des traitements, prévu quelques modifications. Et là elle -la médecin- me demande : « Vous faites quoi dans la vie Manon ? » Moi : « Je suis chercheur, au CNRS, en chimie, mais encore en CDD, parce qu’au début on fonctionne beaucoup en CDD, et là actuellement je suis au chômage, entre deux contrats ». Elle : « Vous aimez ce que vous faites ? ». Moi : silence interloqué. Avant j’aimais, maintenant je ne sais plus, la pression de chercher pour trouver, la précarité des CDD, la lenteur des applications à nos recherches, les querelles d’égos entre chercheurs…je ne sais plus si j’aime. Voilà ce qu’il y a eu derrière mon silence. Elle : « De toute évidence vous devriez être médecin. » Et bim.
Elle a tapé dans le mille. En plein dans ce désir qui me tiraille depuis quelques années maintenant, depuis que je suis malade, depuis que je vois comme ça peut être beau d’être médecin, depuis que je vois comme un corps humain c’est un bordel immense à gérer, surtout quand ça déconne, mais à quels beaux défis le médecin est confronté, et quelle gloire quand quelque chose marche et que la vie du patient est améliorée ou qu’il est guéri ! Voilà, je suis une patiente, avec une maladie chronique qui ne guérira jamais, et j’ai envie de vous écrire avec cette matière. Avant je disais que je n’aimais pas les médecins ni la maladie. Maintenant la maladie par sa perfidie me fascine, le médecin par son courage me rend envieuse. Et je veux vous raconter !
PS : Sur la photo, un copain que j’ai connu en hypokhâgne (donc oui oui en lettres) et qui a fait la passerelle après être entré à l’ENS Ulm pour devenir médecin. Il est maintenant interne en psychiatrie. Il sera un beau médecin ! Je lui ai coupé la tête pour faire plus poétique.
PPS : Pour des lectures sur le médecin malade, un rapport de l’Ordre de Médecins (2008) et la thèse de Sandra Bonneaudeau : Le médecin/malade : un patient comme les autres ? (2011)