Le droit d’être fou

Bon. Aujourd’hui je suis allée chez la psychiatre du centre antidouleur. On se connaît depuis 5 ans maintenant. Pour moi, elle est l’incarnation de Dieu, en médecin, en femme. Dans mon éducation catholique on m’a appris qu’on pouvait ressentir des appels, avoir des apparitions. Si on me demandait si un jour j’ai eu ça, ce serait oui et ce serait elle. Elle ne juge rien, elle pardonne tout, elle est dévouée, elle est presque tout le temps de garde aux urgences – elle doit voir des « trucs de fou » – pourtant elle est toujours calme et souriante. Quand elle demande « Alors comment ça va ? » c’est avec une voix douce, un regard présent mais délicat, une certaine gêne même, la pudeur de cette question à la fois si automatique et si chargée en émotions intimes.

Je la soupçonne d’être mariée à la médecine. De vivre dans un petit appartement tout près de l’hôpital pour être disponible le plus vite possible dès qu’une urgence se présente. Dans le film Hippocrate réalisé par Thomas Lilti, l’acteur Reda Kateb dit à un moment « être médecin c’est une malédiction ». Voilà, c’est ma psychiatre. Mais en version bénédiction.

Alors aujourd’hui on parlait de mon épisode qu’elle qualifie de « subexcitation psychique » que j’ai eu il y a quelques mois, suite à une hospitalisation longue. Elle me dit qu’elle ne comprend pas pourquoi mon cerveau a réagi comme ça. Moi je lui propose : « Mais en fait peut-être qu’on a tous le droit d’être un peu fou quelques temps ? ». Elle me répond en rigolant : « C’est étonnant votre notion des droits du cerveau ! « . Du coup, je pense que ça voulait dire oui. Oui, parfois quand on n’en peut plus de quelque chose on devient un peu fou et puis ça passe. Moi je pense même qu’au fond on est tous un peu fous en fond d’écran. Même la psychiatre qui est l’incarnation de Dieu.

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