Bon. J’avais super peur de cette consultation avec le Docteur DB. Sa secrétaire m’avait dit qu’elle était très occupée parce qu’elle allait bientôt passer
chef de service. D’aucuns se diront : « Il est préférable de traiter avec Dieu plutôt qu’avec ses saints ». Moi je me dis que le chef de service a tellement de travail qu’il n’est pas forcément hyper dispo pour être sympa. D’aucuns diront encore : « On ne demande pas au médecin d’être sympa ». Je ne suis pas tout à fait d’accord avec cette assertion. Je pense qu’un médecin soigne aussi par son charisme, son optimisme, sa bienveillance, son sourire. Alors oui c’est vrai que cela demande de s’engager ; d’avoir de l’énergie et de la transmettre. Il y a des médecins qui ne sont pas sympas dans le but de se protéger. Je comprends. Pour ne pas être tristes à chaque fois qu’ils perdent un patient. Mais bon, le médecin pour moi, le pauvre c’est comme ça, il faut qu’il agisse avec toutes ses tripes. Il est forcément courageux. Un peu comme le malade en fait. Le malade engage ses tripes dans la maladie, il y est obligé par le sort. En outre, ce qu’on dit là pour le médecin vaut pour beaucoup de professions… toutes les professions en contact avec le patient à l’hôpital, toutes les professions du secourisme, nos pompiers… j’en oublie peut-être et je m’en excuse.
Bref, j’avais rendez-vous avec Docteur DB parce qu’avant j’avais eu rendez-vous avec Docteur C, et que pendant la consultation elles s’étaient appelées pour savoir à quelle heure elles allaient à la piscine après l’hôpital, et qu’au passage « J’ai une patiente là bizarre ce serait intéressant que tu la voies ». Je m’étais sentie comme un petit macaque au cirque. D’autant plus que Docteur C s’était comportée avec moi pas du tout selon la description du médecin qu’on a faite plus haut. Donc, d’après moi, Docteur C n’était vraiment pas sympa.
Je suis quand même allée chez Docteur DB, envoyée par Docteur C. Je suis une patiente compliante (pour ceux qui veulent en savoir davantage sur la compliance, un article très intéressant et en libre accès sur EMconsulte). Docteur DB a tout de suite vu que j’avais peur. Je ne sais pas si c’est parce qu’elle l’a vu, mais elle a déroulé la consultation comme une fée. J’étais à Disneyland. Dans le monde des poupées. Je n’avais jamais été confrontée à autant de talent, de délicatesse et de compétence. Elle ne devenait pas la chef pour rien. Elle m’a donné son email pour que je la contacte en cas de besoin. Elle a asséné fermement en même temps : « M’envoyer plusieurs fois le même email ce n’est pas me harceler, c’est m’aider ». Classe. Moi toute polie, je n’avais jamais vu les choses de cette façon. Et vous ?
En fin de consultation, elle me dit qu’elle est embêtée parce que le traitement hormonal que je prends me sert aussi de contraception, mais qu’il va être en rupture prolongée sous sa forme non génériquée, et qu’avec le générique elle a des patientes qui présentent des gros follicules (donc sont potentiellement susceptibles de tomber enceintes). Elle s’inquiète pour moi. Je suis super touchée. Je lui dis : « Mais il n’y a pas de problème, mon mari et moi nous mettrons en plus des préservatifs ». Et là, Docteur DB se redresse bien droite sur sa chaise, lance sa voix plus fort : « Ah mais non, on ne peut pas vivre comme ça ! « . Je vous le répète avec ma voix de patiente apeurée : «
On ne peut pas vivre comme ça« .
C’était magique de sollicitude. C’était aussi tellement ironiquement drôle. J’aurais voulu lui dire tout ce que j’avais déjà adapté dans ma vie avec la maladie, et que, si, si, je pouvais vivre comme « ça » ; parmi tout ce qui était contenu dans le petit pronom démonstratif « ça », la nécessité de mettre un préservatif, c’était une goutte d’eau dans l’océan. Mais aucun temps n’aurait suffi pour lui expliquer tout « ça ». Alors j’ai juste souri. J’étais heureuse. Elle était vraiment sympa.